D’une chanson à l’autre, de bal en bal, de nuit en nuit, de village en village, c’est ainsi, avec tout l’amour pour les bruits de la vie, que nous arrivent personnages et récits. Documentaire qui verse dans la fiction, alors ? Oui, mais en une bascule qui prend son temps. Celui, vague et désoeuvré, d’un mois d’août en Arganil, région pauvre et dépeuplée au « coeur du Portugal », où viennent s’égarer quelques touristes, où les locaux reviennent de leur exil urbain. Le temps aussi, et surtout, de guetter l’éclosion lente d’un fantastique du quotidien.
Construction organique, qui reflète la manière dont Miguel Gomes a entrepris ce second long-métrage. Si un trio amoureux grinçant, un père, sa fille et le cousin de celle-ci, fabriquait l’intrigue initiale, manquait à ces personnages leur corps. Gomes a choisi de chercher leur incarnation sur place. À longuement filmer les lieux dans sa quête d’acteurs, il a trouvé d’autres histoires, des légendes miniatures. L’Arganil n’est plus un décor pittoresque, Ce cher mois d’août en fait une terre où le mythique reste possible, avec assez de pudeur pour ne pas dire son nom. Et c’est pourquoi le tournage se permet d’entrer clandestinement, par touches très discrètes, petits accidents, dans le film. Non pour rejouer une énième mise en abîme, mais pour que chaque place, chaque rôle puisse à la fois sourire de son sérieux, et trouver, entre le fabriqué et le hasardeux, une libre correspondance.
Jean-Pierre Rehm