Nahied a passé de nombreuses années en prison en Iran, puis a séjourné en asile psychiatrique en Allemagne, frappée de mutisme. Nahied est la tante de la réalisatrice, Parisa Yousef Doust. Celle-ci veut faire la lumière sur ce qui s’est passé, veut faire parler le silence. Elle s’adresse à la famille, les sœurs et les frères de Nahied, mais tous parlent d’autre chose, philosophent à larges traits, moralisent, ne se privent d’aucun biais pour esquiver, font par là même leur autoportrait, celui d’une bourgeoisie bonhomme mais inerte.
Qu’on ne s’attende pas pourtant, malgré ce scénario aux airs connus, au traditionnel film de famille et à l’exposé tortueux de ses petits secrets. Car l’Histoire qui guette derrière chaque image, et se refuse à se déplier, fait retour en force et entraîne les plans dans une cascade affolée, secouant par accès le montage, s’aidant de la surimpression, de la reprise hoquetée, transformant des séquences aux allures simples (le maquillage devant la glace ; la réunion de famille) en des tableaux vivants aux significations démultipliées mais glaçantes de précision. L’Histoire, disions-nous, mais laquelle ? Celle de l’Iran au moment du règne du Shah, au temps de la révolution, après ? Cela n’est pas élucidé. Reste sûr, et c’est pour cette raison que Parisa va se confondre autant avec Nahied, que c’est de l’histoire d’une femme dont il s’agit.
Jean-Pierre Rehm