De la situation en Iraq on sait au moins ceci : d’un côté, les troupes américaines et leurs alliés, en armée constituée ; de l’autre, un nombre estimé à 140 bandes armées de milices iraquiennes mènent la résistance contre l’occupant. En dehors des rares images officielles, chacun des camps produit une importante quantité de vidéos de fabrique rudimentaire destinées à circuler sur le net ou à l’intérieur de circuits plus choisis. Propagande méthodique et ciblée ou défouloir débridé, ces images relatent à leur façon, implacable, myope et grossière, le conflit. Comme en un écho lointain du Redacted de De Palma, Mauro Andrizzi a collecté pendant quatre mois de telles séquences. On y trouve des clips chantés, des moments de guet à attendre l’explosion escomptée, des instructions de pose de bombe, des revues d’arme, du gymkhana de 4X4 dans Bagdad, etc. Le quotidien guerrier saisi dans la brutalité sèche d’un viseur transformé en objectif, sans la respiration jamais d’aucun contrechamp. Là réside le caractère éprouvant de l’expérience, qui épargne d’adjoindre un quelconque macabre. Car c’est le montage de ces sinistres moments de théâtre qui nous est proposé, avec pour seul commentaire quelques citations de T.E. Lawrence à Dick Cheney, en passant par Mark Twain. Dialogue étrange entre ces scènes juxtaposées, dialogue aveuglant, d’où transpire néanmoins en continu la violence et celle, spécifique, de ses imaginaires nationaux.
Jean-Pierre Rehm