Sur la côte de la mer de Bering vit une communauté de chasseurs de baleine. Peu nombreux, pratiquant leur art à l’ancienne dans des conditions d’extrême rigueur, on les croirait rescapés d’une autre ère. C’est cela qu’a choisi de filmer Carlos Casas dans ce dernier volet d’une trilogie dédiée aux confins de la planète (Aral, 2004 ; Solitude at the end of the World, 2005). Moins une simple curiosité ethnologique que la survivance de tout un monde, archaïque, oublié. Si le film est fidèle à l’alternance de l’hiver et de l’été, s’il suit les chasseurs dans la chaîne de leur alimentation, du poisson au phoque, jusqu’à la baleine, bref, s’il respecte avec scrupule le programme d’observation scientifique, ce qui guide ici le regard, et l’anime, est tout autre. La beauté des éléments, leur caractère fantastique, renforcé par l’économie des gestes humains prisonniers d’une attente qui paraît éternelle, tout ceci fait se réveiller notre mémoire assoupie pour la plonger, encore engourdie, dans l’immémorial.
Rien d’intime, malgré l’équipe de tournage réduite à l’essentiel, c’est la splendeur d’une vaste énigme qui resplendit ici : se tenir debout, sur terre, à scruter la confrérie animale.
Jean-Pierre Rehm