Le film s’ouvre sur une invitation à jouer différemment et à casser le jouet, pour permettre à de nouvelles réalités d’émerger. Est-ce cette idée qui est à l’origine du film ?
L’idée initiale était de construire un récit sensoriel et performatif sur l’expérience de cruising dans un parc urbain, où la végétation tropicale et l’aire de jeux pour enfants réunissent la nature, la fantaisie et le jeu, croisant le désir, le fétichisme, la recherche incessante, la rencontre, les fluides corporels et le sexe, et traduisant les manières d’être et de se comporter des corps dissidents qui trouvent des possibilités d’expansion et de perception en dehors du système de régulation des expressions sexuelles.
Et comment mettre en scène ces idées multiples ? Par l’acte de jouer, qui est aussi la construction d’un jeu, un jeu entre les corps, l’espace et la caméra. L’idée de casser le jouet est de ne pas faire d’un désir un objet unique; avec les morceaux, il devient multiple.
Et puisqu’il fait référence au jeu, le choix de tourner le film dans un parc d’attractions semble tout à fait naturel. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?
Tourner dans le parc municipal, situé dans en plein centre de Belo Horizonte, est également l’un des facteurs initiaux à l’origine de l’idée du film.
C’est un parc que je fréquente depuis mon enfance. J’ai des souvenirs plus anciens, des souvenirs d’enfance dans cet espace. Par ailleurs, comme je le fais toujours dans mes films, le lieu est aussi un des moteurs de la narration : il constitue un des personnages.
Le fragment, déjà évoqué dans l’incipit, semble être l’élément principal qui compose la trame du film, tenue par le regard et l’errance des personnages et de la caméra. Comment avez-vous travaillé la structure narrative ?
La structure du film est fragmentée, unifiée par la temporalité d’une nuit et l’espace unique du parc. Un jeu entre l’exhibitionniste et le voyeur est construit pendant l’errance. La caméra est celle qui observe, établissant le spectateur dans la position de voyeur dans le récit. Et comme dans l’expérience du cruising, l’errance et l’observation sont une fonction, et lorsque vous errez, vous observez des scènes qui ont peut-être déjà commencé et vous abandonnez également des scènes pour chercher les suivantes.
Les acteurs du film vous sont familiers, certains ayant déjà participé à vos précédents films. Comment avez-vous travaillé avec eux et dans quelle mesure ont-ils participé à la conception des scènes ?
Aisha Brunno, Bramma Bremmer, Igui LeaL et Will Soares ont joué dans mon film précédent, Tudo o que vecê podai ser, et c’est à partir de là que nous avons commencé à développer les idées pour Parque de diversoes.
Le casting a été constitué en invitant, par le biais des réseaux sociaux, des acteurs et des non-acteurs intéressés à partager des récits sur le voyeurisme et l’exhibitionnisme. Un groupe a été sélectionné – privilégiant les personnages queers -, constitué de personnes qui avaient une affinité et un intérêt pour l’exploration de la sexualité en tant que domaine performatif. Après plusieurs rencontres et dynamiques, où des récits personnels ont été échangés sur des expériences de cruising ou de sexe collectif consensuel, un scénario a été construit. Ce scénario évoquait les performances que chaque acteur voulait mettre en scène. Les jours de tournage ont été une véritable explosion, le parc étant notre laboratoire créatif. Nous avons filmé chaque plan plusieurs fois, permettant à la chorégraphie de se construire entre les corps, la lumière et la caméra.
Dans cette déambulation, les dialogues entre les personnages sont extrêmement rares et l’interaction semble passer presque exclusivement par les organes sensoriels. Qu’est-ce qui vous a conduit à ce choix ?
L’expérience du film est celle de l’attraction des corps, de la peau, de la salive et de la respiration. Les dialogues se déroulent dans le champ corporel et sensoriel. Il ne s’agit pas d’un film de construction psychologique ou d’une thèse sur un thème. C’est une pure expérience de la liberté du désir, à la fois de celui qui l’affiche et le pratique comme de celui qui le regarde, l’observe.
Dans cette représentation du désir et de ses multiples expressions, la direction de la photographie et le son jouent un rôle central. Pouvez-vous nous dire comment vous avez travaillé sur ces deux éléments ?
La photographie est un jeu de lumière et d’ombres, montrant un jeu entre ce qui est vu et ce qui ne l’est pas. Les couleurs conçues pour la lumière oscillent entre l’aspect ludique du jeu et l’onirisme, construisant une chorégraphie entre les corps et la caméra. Le son est travaillé selon trois dynamiques : la première met en avant la présence corporelle des performances et de l’espace, la deuxième place le spectateur dans la scène, immergé dans l’espace, et la troisième est la bande sonore qui entraîne la chorégraphie des corps.
En particulier, quelles idées vous ont guidé dans la figuration des corps, dont la représentation apparaît comme l’élément central du film ?
La mise en scène s’articule autour d’un jeu ironique et provocateur, d’une chorégraphie de comportements qui évoluent vers des images adultes et explicites, d’un catalogue de pratiques présentées comme un jeu qui met à l’épreuve les concepts de liberté et d’interdiction au cœur de la sexualité, enfin des possibilités d’affirmation politique et existentielle à partir de marges considérées comme sombres par la conscience civilisatrice : la performance érotique se réfère au jeu des enfants dans ce qu’ils ont tous deux en commun, à savoir un espace encore libre de toute censure.
Propos recueillis par Marco Cippolini