Pour rendre hommage au célèbre poète arménien Jivani, une haute statue en pied du personnage est sculptée, destinée à trouver place dans son village natal. Khachatryan suit d’abord le travail du sculpteur dans toutes les étapes de son édification patiente, puis le périple censé conduire le monument sur le site de son inauguration. Mais le voyage de ce « retour » est long et permet de traverser bien des paysages, sans que l’issue en soit garantie. Sans commentaire et ponctué seulement des chants tirés des poèmes du poète, interprétés par les habitants croisés ici et là, ce road-movie effectué par la statue d’un commandeur ballottée au gré des routes décrit à sa manière l’Arménie d’aujourd’hui. Comme chez Pasolini, ce qui intéresse Khachatryan dans son pays à la veille de sa modernisation, ce sont surtout ses paysages abrupts, ses traditions, son archaïsme, un monde disparaissant en vérité, qu’incarnera le destin, ironique ou mélancolique, comme on voudra, du monument.
Jean-Pierre Rehm