Inventé par la postnouvelle vague, l’exercice est connu : cadrer un cinéaste, le faire parler de son parcours, évoquer ses admirations, farfouiller dans ses méthodes, ajouter des mots à des silences, des images dites à des images vues. C’est toujours fort instructif. Ici aussi. Chantal Akerman, de passage en Amérique du Sud, se raconte en une heure, et c’est passionnant. Ne serait-ce, quelques rares minutes, que son rappel du rapport du cinéma au temps. Élémentaire, décisif, d’actualité. Ses mots, chacun, choix des adjectifs, tempo des poses, accent français dans l’anglais, comptent. Mais Gustavo Beck se ligote délibérément les mains et rajoute un handicap à la course, il a choisi de faire, un peu, à la manière de. Cadre fixe, plan séquence, cadrage construit derrière porte, etc. Résultat? Hommage très élégant sous forme de comédie en un acte avec personnage unique.
Du coup, moins prégnantes en définitive les révélations professionnellement confessées, importe davantage le cinéma. C’est-à-dire, on s’en réjouit, le visible : une scène de genre : Akerman en entretien – ou Akerman à l’hôtel. Sa manière de s’asseoir en croisant les jambes, de rajouter un coussin sur son siège, de prendre un, puis deux verres (un droit, un ballon) pour se servir de l’eau, sa liberté d’enfreindre l’interdiction de fumer dans un lieu public, etc. Comme si voir un corps dialoguer avec les complications du quotidien ajoutait à la compréhension de sa production. Comme si ? Non, c’est vrai. Voyez.
Jean-Pierre Rehm