Les images, toujours médusantes, d’une mission de la Nasa sur Mars en 2006 ; un extrait de Lotte à Weimar de Thomas Mann ; un témoignage relatant une apparition extra-terrestre quelque part aux confins de la Finlande. Tel est le programme que nous propose l’artiste belge Fanny Zaman dans ce premier film. Un prologue, deux actes distincts à sa suite. Des images de la sonde américaine qui glisse à la surface du sol, puis des protagonistes filmés en plan fixe devant un tableau noir de salle de classe demeurant vierge. Ce sont les espaces choisis par la cinéaste pour explorer les failles et les interstices de nos représentations, de nos croyances.
Par de multiples et discrets glissements, de l’image au carton de texte, du texte à la parole vive qui se le réapprorie et brode autour, Surface noue et défait les certitudes du sens au fil de son avancée. Par la réitération, le déplacement, dans un mouvement menant de la parole au corps qui la porte, ajoutant ici un détail, accentuant là une intonation, un regard, le film interroge les surfaces en oeuvrant aux franges du langage. Y sourd un doute, y flotte une atmosphère lancinante et énigmatique au fil d’un emboitement de séquences où il apparaît que de la science à l’hallucination la ligne de partage est labile, comme en attestent les dernières images renvoyant à un réel incertain. Qu’est-ce que voir ? Qu’est-ce que savoir ? Quelles sont les puissances du récit ? Mais aussi bien : qu’est-ce qu’une femme, qu’est-ce qu’une planète ? Voilà les questions ambitieuses posées de la pointe des pieds dans cette brève pérégrination dans l’étrange.
Nicolas Féodoroff