En 2004, le Roi du Maroc met en place une Commission pour l’Equité de la Réconciliation destinée à enquêter sur la violence d’Etat durant les « années de plomb. » Le film accompagne durant trois années quatre familles dans leur quête d’élucidation. Chacun est mis face à cet impératif soudain : faire remonter les souvenirs, dire ce qui a été muré dans le silence, comprendre les énigmes, saisir le destin des aînés, leur engagement, le sien propre. Faire le deuil des disparus, faire le deuil aussi de sa propre existence ruinée. L’expérience n’épargne aucune douleur, car chaque secret dévoilé ouvre sur un autre, et dans cette chute en cascade, c’est la famille et ses liens, ses légendes provisoires et ses conforts, qui menace de s’effondrer. La possibilité de la parole ne signifie pas sa fluidité, et c’est le cheminement douloureux d’une réappropriation d’un langage enfoui auquel on assiste. Du politique au domestique, entrelacés par force alors, aujourd’hui dénoués sur la place publique, le film montre des destinées dont nulle n’est sauve de l’héritage de l’Histoire.
Jean-Pierre Rehm