Une jeune coréenne entreprend de filmer sa grand-mère. Projet balisé et souvent ressassé. Ici, pourtant, nous sommes loin des figures attendues de ce type d’exercice périlleux. Exit les témoignages sur des événements appartenant à un passé plus ou moins lointain, aucun récit de famille ni de leçons de vie. On échappe aussi au portrait psychologique, au profit d’une captation charnelle des vibrations d’un être. Voilà cette femme âgée accompagnée un été durant dans son quotidien par une caméra au plus près, attentive à ses gestes mais aussi aux moindres sensations de toute matière, la peau, la matière des tissus, dans le huis clos d’un appartement toujours baigné de lumière.
Des gestes simples et leur évidence : couper un morceau de viande, coudre, se prodiguer des soins, préparer un rituel aux ancêtres. Un corps se donne par fragments, par blocs de sensation. Les quelques rares paroles en voix off de la cinéaste sont engagées dans un dialogue à distance et la musique européenne aux tonalités romantiques rythme les journées de la vieille femme. Une matérialité légère et lumineuse du corps, filmé à l’égal des autres substances. Plus que la description des objets, un hymne à la sensualité tactile, appelant à un avant des mots, s’attachant à restituer des sensations semblant surgies de notre mémoire la plus enfouie.
Nicolas Féodoroff