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GLI UOMINI

Christophe Bisson

Christophe Bisson
Le Sépulcre, à Caen. Ancienne église reconvertie en lieu de recherche chorégraphique, plongée dans une pénombre que trouent quelques rayons de lumière crue. Au sol, des photomatons par centaines : des hommes, anonymes. Qui sont-ils, ou ont-ils été ? Une femme, chorégraphe, les manipule. D’abord pour les contempler, puis, de plus en plus frénétiquement, comme pour les absorber en elle : comme pour trouver toutes les différentes manières de faire corps avec eux. Les hommes, une femme : quelles modalités d’interaction de l’un et du multiple, du présent et de l’absent ? (Nathan Letoré)

Entretien avec Christophe Bisson

Le film se déroule en un seul lieu, avec un lot de photos qui s’y trouvaient Pouvez-vous nous en dire plus sur ce lieu et ces photos?
Le sépulcre est une ancienne collégiale fondée au XIIIe siècle, à Caen, et qui est maintenant dirigé par la Coopérative chorégraphique. L’espace intérieur est très fort de par son volume, ses colonnes encastrées, ses médaillons… ses vides et ses pleins. Les photos se trouvaient là, abandonnées dans des cartons. Nous leur avons redonné vie, en sorte.

Au-delà des photos, la seule figure humaine est celle d’une danseuse. Qui est cette danseuse? Quelle a été sa part dans l’élaboration du projet, et comment avez-vous travaillé ensemble ?
Laura Simi est une danseuse très étonnante avec qui j’ai une grande connivence. Il est très facile de travailler avec elle tant le courant passe. Je lui ai proposé de faire quelque chose avec ces photomatons, sans idée précise. Le premier jour, nous avons fait un tas sur le plateau puis nous avons commencé à regarder les photos, innocemment. Laura est drôle et facétieuse. Ses commentaires me faisaient beaucoup rire. Elle imitait le « parler » militaire. Le deuxième jour, elle est arrivée au Sépulcre en me disant qu’elle n’avait quasiment pas dormi de la nuit. Les figures d’hommes des photomatons l’ont hantée, étrangement. Ils sont entrés en elle comme par effraction. Elle ne comprenait pas bien l’effet de ces photos en elle. Je sentais qu’elle était désarçonnée. Cette résonance intérieure s’est spontanément traduite dans ses improvisations à travers le motif de la dévoration des photos, comme si elle cherchait à se les introjecter. Dès lors, elle s’est livrée à un dialogue très surprenant avec ces effigies d’hommes, comme si elle renversait le rapport virilo-patriacal de la domination masculine : c’est elle qui mène la danse, les hommes devenant des petits soldats, des jouets au service de son imaginaire, de son invention.

Votre titre annonce « les hommes ». Pourquoi ce titre en italien, et pourquoi les hommes alors qu’une femme y tient une place prépondérante ?
Tout simplement parce que Laura est italienne et que les rares mots du film sont exprimés dans sa langue. Laura à travers les images des petits soldats engage dans son corps, sa voix, ses cris, quelque chose de son rapport, en tant que femme, aux hommes. Après la cession de tournage, elle a eu cette affirmation étonnante : pour aimer un homme, il faut pouvoir les aimer tous. Je crois que le titre vient de là.

Propos recueillis par Nathan Letoré

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Fiche technique

France / 2021 / 12’

Version originale : français, italien.
Sous-titres : Pas de sous-titre.
Scénario : Christophe Bisson.
Image : Christophe Bisson.
Montage : Christophe Bisson.
Musique : Patrice Grente.
Son : Marylène Carre.
Avec : Laura Simi.
Production : Christophe Bisson (Particular).
Filmographie : Notes d’un souterrain, 2018. Silencio, 2016. Lenz Élégie, 2015. Sarah(K.), 2014. Entrée des écuyères et des tigres, 2014.

ENTRETIEN AVEC LE RÉALISATEUR