Nous voilà dans le cabinet médical du Dr Moussa Maman. La pièce est rudimentaire, l’espace étroit, quelques chaises, une couche pour s’étendre. Pour les personnages, le Dr Maman, son assistant, et quelques malades qui défilent, sans oublier un guérisseur. Ce sera, à l’exception de plans dehors, plus tard, à la fin, l’unique théâtre. Ariane Doublet, dont la filmographie est bien connue, a fait le choix de ce cadre restreint pour privilégier, dans l’examen médical, la parole. Si soigner, c’est écouter puis répondre à la douleur d’un corps, douleur d’abord, comme on dit, muette, c’est cela, cet exercice du soin, variable, souple, sans loi que celle que l’autre apporte en sa chair, que Fièvres fait voir, et entendre.
Sans aucun doute est-on en Afrique : on en entend la langue, on en voit les êtres, on y aperçoit même quelques paysages, ponctuant les patients. Mais l’affaire n’est pas ethnologique, ou alors héritière des fabulations généreuses de Jean Rouch. Il s’agit plutôt de prendre la mesure des secrets, et le Dr Maman est expert à les débusquer, à leur donner réponse adéquate. Allié du guérisseur, guérisseur à son tour, ce médecin passe sans sourciller de la médecine européenne aux recettes magiques ancestrales. Il diagnostique une fièvre maligne avec la même science qu’un mal d’amour resté bloqué dans la gorge. Physicien doublé d’un psychanalyste, il fait tomber la fièvre.
Jean-Pierre Rehm
Entretien avec Ariane Doublet à propos de Fièvres, paru dans le quotidien du FIDMarseille du 10 juillet 2009