En partenariat avec Les Écrans du Sud et le GNCR (Groupement National des Cinémas de Recherche)
Séance présentée par Cyril Neyrat
Fin de l’été, quelque part en Bretagne. Rosa, la vingtaine, passe une dernière soirée sur la plage avec ses amis. Le lendemain, elle part à Montréal commencer une nouvelle vie. Sur cette trame minimale, Damien Manivel tisse une matière cinématographique inédite, qui emporte L’Île loin des attentes du genre coming of age. Après Les Enfants d’Isadora (2019) et Magdala (2022), c’est sa recherche d’accords singuliers entre cinéma et danse qu’il transporte ici en terre inconnue. Au lieu de réaliser le scénario en une fiction close et linéaire, le cinéaste a monté les rushes du travail de répétition avec ses jeunes comédien.ne.s. Deux lieux et deux moments du travail alternent : le studio de répétition, espace nu et abstrait où la troupe formée pour l’occasion cherche mouvements et rythmes, comme pour une pièce chorégraphique ; la plage, où le travail se précise, les scènes se dessinent dans le décor de la fiction. Ici et là, les gestes et les mots du cinéaste, présence discrète souvent hors-champ, parfois dedans, modèlent la matière en mouvement. Gestes, mots et scènes se répètent, le temps s’enroule sur lui-même tout en déroulant le fil du récit. Cette temporalité spiralée produit la sensation grisante d’osciller en permanence entre le dedans et le dehors, entre émotion et distanciation, entre la pure présence des comédiens au travail et l’épanouissement progressif des personnages qu’ils incarnent. C’est à la fois la fin (du jour, de l’été, d’un moment de leur vie) et le commencement (d’une œuvre collective, d’une forme, de la fiction). Si l’art du cinéma est celui des fins et des commencements, L’Île lui fait doublement honneur.
Cyril Neyrat