En présence du réalisateur.
Dans le cadre du cycle de films sélectionnés par le Jury « Artistes en exil », en collaboration avec L’Atelier des artistes en exil
LA RENAISSANCE
RENAISSANCE
Nader Ayache
France | 2023 | 55’
- Compétition Premier Film
- 2023
- Prix du Centre National des Arts Plastiques
- Prix du Jury Résidence Lago
Nader Ayach ne craint pas de mettre son corps à l’épreuve du cinéma. Il l’avait prouvé dans La guerre des centimes, où il parcourait avec témérité Paris à vélo, caméra dans une main, guidon dans l’autre. Là, c’est en homme-caméra, jambes-trépied et œil-objectif, qu’il incarne le double de Fadhel Messaoudi, maître de luth oriental laissé entre la vie et la mort par l’accident qui ouvre brutalement le film. Après ce début in media res, le réalisateur nous propulse dans un au-delà à la Chris Marker, où se retrouve le double du musicien, comme “réveillé dans un autre temps et né une seconde fois adulte” (La Jetée). Affublé d’un casque de réalité virtuelle, il est renvoyé sur terre par un curieux passeur portant de grosses lunettes noires, figure profane qu’incarne le cinéaste Jilani Saadi. Avec une grande économie de moyens, La Renaissance emprunte au cinéma de ce dernier un peu de sa grâce insolente et au jeu vidéo des éléments de sa grammaire. Il installe ainsi un dispositif fictionnel plein de ruses, nourri par la bricole et la débrouille, qui renouvelle l'écriture du portrait : une vision subjective, des étapes évolutives, un avatar. Celui choisi par Fadhel pour son double est Abou Hourayra, personnage éponyme d’un roman de Mahmoud Messadi, qui fait le récit d’un grand départ vers l’inconnu. L’aventure, ici prosaïque, faite d’images accidentées de trajets en métro et de marches dans un Paris morne et froid, est l’occasion de restituer avec tendresse le parcours tragique de Fadhel et les obstacles liés à l’exil depuis son arrivée de Tunisie. Exil aussi vécu par le réalisateur, qui, débarrassé des atours de la fiction, dévoile, en miroir de son personnage, ce qui semble être au coeur de cette Renaissance : un hommage à un artiste, un geste d’amour, et la possibilité, par le cinéma, de se réinventer.
Louise Martin Papasian