En présence de la réalisatrice.
OBSADA
Wendelien van Oldenborgh
Pologne, Allemagne / 2021 / Couleur / 35’
- Compétition Cnap | Compétition Flash
- 2022
« Obsada » signifie en polonais « équipe de tournage », mais peut aussi signifier « groupe de travail ». L’équipe dont il s’agit ici est double. Celle du film d’abord, devant et derrière la caméra, entièrement féminine, étudiantes en art et en cinéma réunies pour l’occasion au Muzeum Sztuki de Lodz. La communauté s’affaire à déplier et interroger à rebours une action menée en 1973 par une autre équipe, entièrement masculine celle-ci. L’enjeu de cette action, initiée par la célèbre école de cinéma de Lodz, était, 23 jours durant, d’interroger la dimension collective de la fabrique du cinéma. D’une fabrique et d’un groupe à l’autre, Wendelien van Oldenborgh poursuit avec Obsada son investigation animée pour une contre-Histoire féministe – après celle du modernisme architectural de Two stones (FID 2020), puis de l’invisibilité des femmes artistes dans une perspective décoloniale dans Hier. (FID 2021). Ici cela passe d’abord par la visibilité du hors champ. Opérant par décadrages et contrechamps, à la fois outils et objets de cette investigation, Wendelien van Oldenborgh met en avant ses propres conditions de tournage, retournant ainsi les invisibilités. Alors que les archives noir et blanc de l’événement sont convoquées et remises en mouvement pour être questionnées et devenir un nouveau matériau, la couleur s’expose comme un autre enjeu pour ce groupe de femmes. Signe du modernisme polonais (masculin), la voici réappropriée : gélatines colorées qu’elles manipulent, vêtements monochromes qu’elles portent, scotchs, murs. Superpositions, dessins, autant de gestes qui suscitent et accompagnent le déploiement de la parole. Mais Obsada ne se contente pas de revisiter le passé. L’enjeu décisif, d’hier à aujourd’hui, est de rappeler que le chantier reste ouvert, la Pologne étant, on le sait, à la pointe des mesures liberticides et réactionnaires instaurées contre les femmes.
(Nicolas Feodoroff)