En complicité avec la CIMADE et La Ligue des Droits de l’Homme.
MAÎTRESA SENSE OF JUSTICE
Swen de Pauw
France / 2021 / 97’
- Compétition GNCR
- 2021
Swen de Pauw
Dans son Divan du monde (FID 2015), Swen de Pauw avait posé sa caméra dans l’antre de Georges Federman, psychiatre non conformiste haut en couleurs exerçant à Strasbourg, et dans son cabinet résonnait la douleur de vivre. Pour cette nouvelle investigation consacrée aux institutions, Maîtres nous plonge à huis-clos dans un cabinet d’avocat au sein de cette même ville. On y retrouve Christine Mengus et Nohra Boukara, spécialisées en droits des étrangers, épaulées par Audrey Scarinoff et leurs collaborateurs.Les récits des multiples cas, attristants, atterrants ou tragi-comiques,s’intercalent avec le quotidien de l’exercice juridique. Et au fil des entretiens captés par bribes, évoquant entrée ou sortie irrégulière, interdiction de territoire, droit de séjour ou d’aide médicale, éclatent à l’écran les drames prévisibles, la précarité administrative ou sociale induite par leur situation, des vies suspendues aux décisions judiciaires. Avec, en creux, l’absurde et les aléas des rouages et des verdicts, où s’intriquent la complexité des réglementations - pénales, civiles, administratives, communautaires, ou liées au droit du travail -, labyrinthes dans lesquels se débattent leurs clients. Swen de Pauw dépeint un double portrait, des justiciables et de leur avocates, loin des scènes et de l’emphase des prétoires. Pas de plaidoiries, mais un quotidien fastidieux, besogneux et ingrat avec piles de dossiers, stratégies à mettre en oeuvre. Se joue là un autre théâtre, celui de cette petite communauté à l’oeuvre : des juristes opiniâtres et déterminées, malgré les embûches aperçues ici ou là. Vision âpre, mais non dénuée d’humour, du travail, de l’espace du droit vu de l’intérieur, luttant avec ses contingences, contre ses absurdités, ses dysfonctionnements sans omettre les préjugés en embuscade. Avec Maîtres, Swen de Pauw porte un regard attentif et généreux sur cette courageuse petite troupe de femmes au front.
(Nicolas Feodoroff)